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Une autre époque



 

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Extraits du journal bordelais « Le Chat Huant ».

A celles et ceux qui disent : « c'était mieux avant ». Un petit instantané sur une époque, la fin du 18e siècle.
Les textes sont intégralement respectés.

Chanson du petit ruisseau de rue

« Chanson du petit ruisseau de rue ». 1892. Source : Gallica BNF

 

Sans murmurer matin et soir,
J'coule et procède au nettoyage
Des immondicis sur mon passage,
Dans la ru’, le long du trottoir.

Les chiens errants, de leur museau
Vont barbotant, cherchant pâture
Et pouss' sur moi des tas d'ordure,
Je suis un pauv' petit ruisseau.

Les fleuv’s, cours d’eau privilégiés,
Roulent toujours quelque cadavre,
ça les distrait, moi, ça me navre,
Je n'roule que des rats crevés.

Sur mes eaux navigu't des sal'tés,
De vieill’s semelles de chaussures,
Des trognons d'choux, des épluchures
D’oignons, d'carott's et de navets.

L’ivrogne s'épanche en mon sein
Et me couvre d’ignominie,
Lorsqu'après une nuit d'orgie,
Il jette en mon lit son trop-plein.

Grossi par les eaux des maisons,
Eaux de Cologne, eaux de vaisselle,
J'exhale une senteur mortelle
Résultant d’ces combinaisons.

Je r'çois des poils de brosse à dents,
De noirs résidus de toilette
Et de criminels fonds de cuvette,
Où l'on a noyé des enfants.



 

Marche des vidangeurs

« Chanson : Marche des vidangeurs ». 1892. Paroles et musique d'Esbrand. Source : Gallica BNF

 

Y'a des auteurs qui s'sont creusé la tête
Pour célébrer les combats, les guerriers,
D'autres ont fait des fables sur les bêtes,
D'autr'ont chanté la gloire et ses lauriers
Les vieux clichés se présentent en foule,
J'pourrais vous peindre et l'amour et les fleurs,
Mais je préfèr'ne pas m'creuser la boule
Et célébrer les vidangeurs.

Leurs gros tonneaux de forme cylindrique
Avec leurs tub's émergeant de leurs flancs,
Ont un faux air d'bêt'apocalyptique
Monstres ventrus, sur des essieux grinçants.
Et trois chevaux à la forte encolure,
Majestueux comme des sénateurs,
Vont gravement, sans presser leur allure
Et conduits par les vidangeurs.

Et les cochers surplombant leurs barriques,
Très haut perchés et très insouciants,
Déambulent, bercés par les cahots rythmiques,
Guides aux mains et pipe entre les dents.
Comme en leurs chars, les grands consuls de Rome
Brûlaient l'encens, heureux triomphateurs,
Sur leurs tonneaux fleurant un vague arome,
Ainsi s'en vont les vidangeurs,

Et quand j'les vois pleins de béatitude,
Sur leurs carross' aller si nonchalants,
J'pens'que plus tard sans leur fair'fair d'études,
J'pourrai comme eux établir mes enfants;
Car pour mon compt', j'estim'que la vidange
Est un métier ne manquant pas d'saveur,
Un métier sûr; car y'a pas mèch'qu’on mange
Son fonds, quand on est vidangeur.



 

Les petits gueux

« Les petits gueux ». 1892. Source : Gallica BNF

 

Ils vont, l'œil triste, dans la rue,
Déguenillés, Ie ventre creux,
Souffrant d’une plaie inconnue,
pauvres petits qu'un vice tue
Sur le bord du sentier pierreux.
O leurs prunelles désolées !
Toujours courir, eux qui sont las,
Sans but, par les nuits étoilées…
Sur les bottines éculées,
Les petits gueux perdent leurs bas.

L'hiver armé de sa rapière
Les a chassés de leur taudis.
Houst ! les vilains chats de gouttière !
La bise aiguise sa rapière
Sur leurs petits doigts engourdis.
Ils grelottent sous la rafale,
Pleurant la nuit du galetas
Où ron voyait la cathédrale
Par la lucarne borgne et sale…
Les petits gueux perdent leurs bas.

Enfin, las de chercher litière,
Les errants se sont endormis
Sous le vieux porche aux saints de pierre
Et voici que sous leur paupière
Passe un rêve de paradis.
Ils rêvaient de croûtes dorées,
Pâtés fumants en de grands plats ;
Mais pour leurs bouches affamées,
Rien que les rêves de fumées,
Les petits gueux perdent leurs bas.

Et la lune, béate amie,
Les revêt de gaze d'argent.
Mais tôt finit leur rêverie :
Les vagabonds de la voirie
Sont ramassés par un agent,
Et pleurent les lis et les roses !
Les cachots noirs sont pleins de rats
Ohl magistrats aux fronts moroses
Qui bramez d'équitables choses,
Les petits gueux perdent leurs bas.

Chiens pelés que le maître roue,
Moineaux frileux chassés des toits,
Chassés du parc où Bébé joue,
Petits gueux, marchez dans la boue
Le trottoir est pour les bourgeois.
Vos fronts voudraient, la nuit venue.
L'assoupissement des grabats ;
Mais il faut coucher dans la rue.
Ah ! toute l'amertume est bue !
Les petits gueux perdent leurs bas.

Guenilleux aux lèvres palies,
ils ont un sourire navrant
Où se lit toutes les folies,
Lèvres de vilains mots salies
Et qui n’ont jamais dit : - Maman -
La première page du livre
Est pleine de rudes combats,
Et dans leurs cœurs glacés de givre,
Voici L'amer dégoût de vivre.
Les petits gueux perdent leurs bas.

Leurs pieds dansent en des galoches.
Ils vont, mornes, traînant le pas,
Ecoutant sangloter les cloches…
Les grands ont les mains dans les poches.
Les petites parlent tout bas
Songeant à de vagues poupées
Qu'elles presseraient dans leurs bras.
Le vent pleure ses mélopées…
Maigres, sous leurs loques râpées,
Lcs petits gueux perdent leurs bas.

Envoi

Bourgeois, bourgeois, bourse dodue,
La misère a sonné le glas
Ton poupard que le luxe tue
S'étouffe sous les falbalas.
O sourd repu ! que l'on te nomme
Monsieur Durand ou Carabas,
Dors tranquille, engraisse, mon homme.
Les petits gueux perdent leurs bas.

Jean FAUVETTE



 

Leurs femmes

« Leurs femmes ». 1892. Source : Gallica BNF

 

Dans les tramways, les magasins,
Elles bourdonnent par essaims,
Etalant leurs robustes seins
Et leurs rotondités bourgoises.
Les Demoiselles, l'air béat,
Dressent leur petit corps tout plat
Et roulent des yeux sans éclat
Avec des manières sournoises.

Femmes de crétins enrichis
Dans la Morue ou les Hachis,
Leurs encéphales avachis
N'ont qu'un but : être du grand monde.
Mais leurs pieds lourds au profil gras,
Leurs mains rougeaudes et leurs bras,
Leur sont d'un terrible embarras,
Et pas d'espoir que tout ça fonde !

La pudeur, la moralité
Leur viennent par hérédité (!) ;
Et redoutant la puberté
De leurs petites, ces fleurs pâles,
Elles prétextent le bon ton
Pour leur laisser rose et bouton
Mariner dans un miroton
De muco-pus couleur d'opale.

Mais, torturant leurs pianos
Comme on brasse des dominos,
Sans goût, sans frisson dans le dos,
Posent pour les musiciennes,
Pour le bon goût, l'amour de l’art !!
Elles ont, toutes, un frocard
(C’est bien porté) scrutant leur lard,
Et foutant de drôles d'antiennes.

Elles ont toujours quelque plat
Ou quelque mode qu'on vola
Dans les journaux, par-ci par-là,
Pour émerveiller les convives.
Avec ces journaux, dits mondains,
Donneurs de conseils aux putains,
Elles inventent des potins
Remplissant leurs têtes de grives.

O vous, barriques de saindoux,
Mères des crétins à l'œil doux,
Epouses de benoîts époux,
Vous qui peignez sur porcelaine,
Qui montrez vos blancheurs de veau,
Parce qu'on doit montrer sa peau
Aux vieux cochons qui font le beau
Et qui parfument leur haleine,

Surveillez donc vos vieux gagas,
Dont le crâne après maints dégâts
l'aspect tigré des nougats ;
Interdisez les créatures !
Car le petit jeune homm' très bien,
Seul héritier de votre bien,
possède un sacré nerf de chien
Et souffle à papa ses montures.

CASSIUS




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